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Programme de Recherche : Verre vénitien ou à la "façon de Venise" ?

SUR LES TRACES DES ARTISTES VERRIERS, ENTRE VENISE ET LA FRANCE 

Publié le 10/08/2021

Baiser de paix : Christ de douleurs - cuivre émaillé dit vénitien
Baiser de paix : Christ de douleurs - cuivre émaillé dit vénitien

Les cuivres émaillés et dorés représentent, au sein des arts décoratifs de la Renaissance italienne, une production relativement modeste (moins de trois cent objets sont parvenus jusqu’à nous) mais très raffinée, traditionnellement attribuée à Venise. Le métal, qui donne sa forme à l’objet, sert de support à un décor richement coloré formé de plusieurs couches d’émail. La dorure joue un rôle important dans ce décor. La majorité des pièces conservées forme une vaisselle principalement composée de coupes, parfois couvertes, d’assiettes, de plats, de salières, d’aiguières et de gourdes. D’autres types d’objets existent toutefois, comme des coffrets, des flambeaux et des chandeliers, ou encore un miroir ; quelques baisers de paix, des burettes, des reliquaires ou ostensoirs attestent également un usage religieux.

Par leurs qualités visuelles remarquables et leur exceptionnel état de conservation, les verres vénitiens à décor émaillé et doré de la Renaissance comptent parmi les arts décoratifs les plus appréciés du XIXe siècle - témoignage de l’essor exceptionnel de la production de verre à Venise dans la seconde moitié du XVe et au XVIe siècle. 

Si, depuis le milieu du XIXe siècle, ils sont massivement attribués à Venise, il apparaît que la production vénitienne, connaissant un immense succès européen, a été rapidement imitée par de nombreux autres centres verriers (Tyrol, Autriche, Bohême, Pays-Bas, etc.) et sur une vaste période chronologique (XVIe – XVIIIe s.) – on désigne cette production par l’expression « Façon de Venise ». 

Admirés et collectionnés au XIXe siècle, période à laquelle se forme la collection du Louvre, ces objets tombent ensuite dans l’oubli. Les spécialistes s’accordent à penser qu’un certain nombre de pièces sont également des copies ou des faux fabriqués contemporains, en raison de la grande valeur accordée à ces œuvres par les collectionneurs.
Un projet interdisciplinaire, lancé en 2012 par le département des Objets d’art, en partenariat avec le C2RMF et la Fondation Giorgio Cini de Venise, se donne pour objectif de mieux connaître ces œuvres remarquables tant du point de vue des techniques de fabrication, des formes et des ornements, que de leur contexte de création culturel et social.

1)    Un programme de recherche : PATRIMA CRISTALLO

L’objectif de cette recherche est de définir des critères analytiques, voire techniques, permettant de distinguer les productions d’origine vénitienne de celles réalisées à la « Façon de Venise » par l’étude du verre support et des émaux ainsi que des sources écrites. Un premier programme de recherche (PATRIMA CRISTALLO) a été mis en place pour l’étude de ces verres sous un angle résolument transdisciplinaire, associant les compétences de différents professionnels (physico-chimistes, conservateurs, restaurateurs, historiens, archéologues, etc.). Il s’attache non seulement à la caractérisation physico-chimique du matériau verre/émail, à la constitution et à l’étude typologique, historique et stylistique d’un corpus des œuvres conservées en collection publique et privée, mais plus largement à l’usage culturel et social de cette production réservée aux élites de la Renaissance, ainsi qu’au collectionnisme et à l’histoire du goût qui expliquent leur présence massive dans les musées depuis le XIXe siècle.
 

Coupe - verre émaillé à la façon de Venise
Coupe - verre émaillé à la façon de Venise

Au total, soixante-treize œuvres de collection (principalement française et italienne pour quelques-unes) et vingt fragments archéologiques (Padoue et Grande Bretagne), ont servi à l’étude analytique menée grâce à l’accélérateur de particules AGLAE du C2RMF. Nous avons mis au point une méthodologie permettant de distinguer les objets vénitiens de la Renaissance de ceux réalisés en dehors de Venise d'après la composition chimique du verre-support des œuvres et des émaux.  

Environ la moitié de ce corpus s'est révélé compatible avec les recettes vénitiennes de la Renaissance cristallo et vitrum blanchum. L'autre moitié incompatible avec ces recettes a été qualifiée de à la façon de Venise ou copie postérieure, ne pouvant pas dater plus précisément ces œuvres par le manque de données comparatives sur des productions de verres émaillés du XVIe au XIXe siècle.
 

2) Une exposition : Emailler le verre à la renaissance 

Au Château d'Ecouen du 13 octobre 2021 au 14 février 2022, se déroule une exposition sur le verre émaillé à la Renaissance. Celle-ci est organisée par le musée national de la Renaissance, co-produite avec la Réunion des musées nationaux, avec la participation du musée du Louvre et du C2RMF.

Cette exposition et le catalogue qui l’accompagne concrétisent plus de dix années de recherche, ponctuées de journées d’études (2012,14,16) organisées par le musée du Louvre en collaboration avec le C2RMF, s’inscrivant au sein du projet Cristallo. Les analyses ont porté sur les collections de verre que possèdent les musées français dont le Louvre, du musée national de la Renaissance - Château d’Écouen mais aussi pour quelques objets des collections muséales italiennes et sur des fragments archéologiques de référence. L’accélérateur AGLAE du C2RMF s’est révélé être l’outil d’excellence pour analyser de façon totalement non destructive le verre et les émaux de ces objets très précieux.

L’objectif de cette étude a été de mettre au point une méthodologie permettant de distinguer les objets vénitiens de la Renaissance de ceux réalisés en dehors de Venise d’après la composition chimique du verre-support des œuvres et des émaux. Au total, soixante-treize œuvres de collection et vingt fragments archéologiques (Padoue et Grande Bretagne), ont servi à l’étude analytique menée grâce à l’accélérateur de particules AGLAE du C2RMF. 
 

L’étude de ce corpus a permis de révéler une origine vénitienne pour environ la moitié des œuvres dont la composition chimique du verre-support et des émaux est compatible avec les recettes vénitiennes de la Renaissance cristallo et vitrum blanchum. L’autre moitié dont les compositions sont incompatibles avec ces recettes a été qualifiée de « à la façon de Venise ou copie postérieure ». Ces œuvres présentent des origines et des datations difficiles à définir, en raison notamment du manque de données comparatives sur des productions de verres émaillés du XVIe au XIXe siècle. 
Le C2RMF a pu créer, ainsi, les deux premières bases de données analytiques et techniques sur les œuvres en verre émaillé et doré vénitiennes de la Renaissance et sur les objets émaillés et dorés non vénitiens dont les recettes et l’emploi des matières premières diffèrent de la première base. Ces bases ne demandant plus qu’à s’enrichir désormais.

3) Les résultats du programme : 2 exemples
 

La gourde de pèlerin et son double : Objet attribué à Venise pendant la Renaissance d’après l’étude du C2RMF : Analysée au C2RMF en 2016, le verre support avec une recette Cristallo et les émaux (verre de base, colorant, opacifiant) sont parfaitement conformes aux verres émaillés vénitiens de la Renaissance. A la grande surprise des historiens de l’art, cette gourde qui est une œuvre de référence est identique jusque dans les moindres détails à la gourde OA1012 du musée du Louvre, dont la composition du verre-support avec 11,5% de plomb est différente des recettes vénitiennes de la Renaissance. Selon les connaissances scientifiques actuelles, une telle présence de plomb dans le verre-support ne serait pas antérieure à la seconde moitié du XVIIe siècle, éventuellement la fin du XVIe ou le début du XVIIe siècle.

Gourde de pélerin
Gourde de pélerin

Le gobelet OA 1082 : Objet attribué à la façon de Venise ou copie postérieure d’après l’étude du C2RMF : Analysé au C2RMF en 2013, la composition du verre-support s’avère incompatible avec les recettes vénitiennes de la Renaissance (recette proche d’un Cristallo mais avec des matières premières différentes, dont la signature chimique du cobalt employé pour colorer l'objet). L'émail blanc est en revanche compatible avec les recettes vénitiennes de la Renaissance.

Gobelet sur pied à décor végétal - OA 1082
Gobelet sur pied à décor végétal - OA 1082
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