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restauration : bureau de Louis XIV

Une prouesse technique

Publié le 08/12/2022

Le bureau de Louis XIV a été livré à Versailles avant juin 1685 par l’ébéniste ordinaire du roi Alexandre-Jean Oppenordt pour le « Petit cabinet où le Roy escrit », autrefois situé au revers de la galerie des Glace, à l’emplacement de l’actuelle pièce des bains de Louis XV. Ce bureau faisait partie d’une paire : un premier en partie (laiton sur écaille) et le second en contre-partie (écaille sur laiton). Le bureau en partie, est conservé au Metropolitan museum of Art de New York, depuis 1986. Celui en contre-partie a été acheté par le château de Versailles en 2015. Classé trésor national, il est désormais présenté dans le salon de l’Abondance.

Rare exemple de mobilier de cette époque encore conservé, ce bureau a bénéficié d’un long travail de recherche et de restauration mené au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF), sous l’égide d’un comité scientifique international. Transformé au cours de son existence d’un bureau brisé en un bureau de pente à gradins, il a été décidé par les membres du comité de le restaurer en lui restituant un état le plus proche possible de sa forme initiale du XVIIe siècle, guidé en cela par le pendant en partie de New York. La restauration du meuble de Versailles a été réalisée au sein de l’atelier d’ébénisterie du C2RMF par Frédéric Leblanc, restaurateur de la filière des Arts décoratifs.

Les recherches et études préalables

Les analyses qui ont permis de pénétrer « au cœur du meuble » ont été conduites par les spécialistes du C2RMF et ont porté sur :

  • Les assemblages du premier état avant transformation par la radiographie
  • La composition des vernis
  • La polychromie rouge sous la marqueterie d’écaille et sa composition
  • La datation du bois par dendrochronologie.

L’ensemble du meuble a été radiographié livrant très précisément l’emplacement et les formes originelles de la serrurerie et des éléments de quincaillerie avant que ne disparaisse l'articulation centrale du plateau.  

La dendrochronologie réalisée sur quarante pièces a permis de constater l’homogénéité des bois, dont seuls diffèrent ceux datant de la transformation en bureau de pente à gradins. Selon les estimations menées à partir des datations dendrochronologiques obtenues, moins de cinq années séparent l’année d’abattage du chêne et de l’épicéa employés à la fabrication du bureau, de l’année de livraison du meuble en 1685. Les bois ont donc été travaillés encore humide sans période de stockage et de séchage préalable.

L’analyse menée lors de la restauration a montré qu’une grande partie des caissons du gradin était, en fait, les tiroirs intérieurs du bureau brisé. On a pu constater également, que la marqueterie d’origine du troisième niveau des tiroirs situés de face avait été découpée pour être reportée et adaptée sur les côtés du gradin. On y a retrouvé, en outre, une entrée de serrure bouchée et remontée à l’envers.

Les deux axes de la restauration

      1. La transformation du meuble

La transformation a consisté à repositionner à plat la pente, partie qui constituait au XVIIe siècle le plateau du bureau. L’ouverture centrale du plateau en deux parties a également été restituée

      2. La restauration de la marqueterie : savoir-faire et innovations technologiques

Toutes les marqueteries d’écaille et de laiton ont été déposées. Elles présentaient des parties boursoufflées peu esthétiques et problématiques en termes de conservation.
L’étude a permis de comprendre qu’elles étaient dues à une épaisseur et à une qualité de colle inappropriées. L’opération a consisté à supprimer la colle époxy à base d’Araldite® utilisée lors d’une restauration antérieure, (probablement au XXe siècle) et à la remplacer par de la colle de poisson et enfin à repositionner les éléments

Retrait de la colle époxy à base d’Araldite® utilisée lors d’une restauration antérieure © C2RMF/M.Bourget
Retrait de la colle époxy à base d’Araldite® utilisée lors d’une restauration antérieure

Ces opérations ont de plus permis de redécouvrir des éléments d’écaille qui, emportés par des recollages successifs, avaient glissé sous la marqueterie de surface. La dépose du laiton de la marqueterie a facilité l’accès au revers des pièces dont on a pu constater qu’il était marqué par différentes traces d’outils permettant d’identifier clairement plusieurs interventions vécues par le meuble. Cette opération très minutieuse, réalisée sous microscope 3D, a été particulièrement longue.
Enfin, les vernis, très épais et vieillis, ont été remplacés afin de retrouver la couleur, les motifs et les nuances de l’écaille de tortue.

La restauration du bureau a permis de mettre en œuvre deux innovations technologiques développées au sein de l’atelier d’ébénisterie dans le cadre du projet de recherche sur la marqueterie Boulle, mené depuis une dizaine d’années.

  • La première a porté sur la découpe au laser de pièces de marqueterie neuves afin de combler les lacunes (10 à 15% de l’ensemble). Pour mener à bien ce projet, le C2RMF s’est non seulement doté d’un équipement spécifique, mais a surtout acquis une compétence nouvelle dans le dessin préalable de pièces de ce type et sa vectorisation. Le dessin des pièces a été copié sur celles qui figurent sur le pendant du bureau conservé au MET.
  • La seconde a consisté à concevoir et ajouter un élément nouveau dans le dispositif de traçabilité des restaurations conduites sur un objet d’art. En plus du dossier d’œuvre conservé dans les archives du C2RMF et du château de Versailles, des gravures de taille infime « C2RMF 2021 », réalisées au laser sur certaines pièces de marqueterie, permettent de signaler et de dater les restaurations effectuées.
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