Vue sur le plancher recouvrant la nef de Notre-Dame
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Le C2RMF et Notre-Dame de Paris

Publié le 24/04/2024


Comme de nombreuses institutions du ministère de la Culture, plusieurs agents du C2RMF ont été mis à contribution dès le lendemain de l’incendie pour les premiers relevés et les premières analyses de l’impact de l’incendie. 


 

vue de la nef et du choeur de la cathédrale le lendemain de l'incendie
vue de la nef et du choeur de la cathédrale le lendemain de l'incendie

L'intérêt des recherches est de permettre aux responsables chargés de la restauration de connaître avec davantage de précision les matériaux utilisés à l'époque médiévale, des connaissances incontournables pour assurer la restauration future du monument. 

Depuis, le centre a été impliqué dans une série de projets permettant non seulement d’œuvrer à la restauration du monument et des collections qu’il abrite, mais aussi de mieux connaitre les matériaux constitutifs et les moyens de mieux les conserver. 

L’action du C2RMF concernant le chantier de Notre-Dame de Paris répond aux missions institutionnelles qui lui sont confiées. Cette acttion peut être vu à travers trois domaines distincts : le domaine de la recherche (analyse, expertise, photographie, etc.) ; le domaine de la restauration (sculpture, peinture, etc.) ; ainsi que le domaine de la conservation préventive. Toutes les données produites ont été classées et misent à la disposition de la communauté scientifique. 

 

1. Le C2RMF au chevet de la vieille Dame : trier, analyser et expertiser

A) Le tri des débris après incendie

Le 7 avril 2021, deux ans après l'incendie de Notre-Dame de Paris, la DRAC, en collaboration avec le LRMH et le C2RMF, a terminé le tri des matériaux effondrés. Cette étape préliminaire permet une analyse approfondie des dégâts en vue d'une restauration appropriée.
 

L'objectif principal est de traiter l'amas de débris dans la partie orientale de la nef, comprenant principalement des bois de charpente du XIIIe siècle et des blocs de l'arc doubleau effondré datant de la fin du XIIe – début du XIIIe siècle. Le tri est effectué conformément à une décision de fouille réglementaire, avec des prises de vue pour localiser les éléments prélevés sur un support numérique presque en temps réel.

Depuis février 2020, un plancher a été progressivement installé au-dessus des voûtes du chœur et de la nef, facilitant le tri et l'évacuation des zones fragilisées. En 2021, tous les vestiges ont été transférés vers de nouveaux lieux de stockage pour permettre la poursuite du chantier et l'aménagement du parvis de la cathédrale.

B) Analyse et étude des bois calcinés de « la forêt »
 

détail d'une des poutres de Notre-Dame
détail d'une des poutres de Notre-Dame

L’incendie a détruit la charpente, première victime du feu. La « forêt » n’a cependant pas complétement disparue, et le cœur de certaines poutres a survécu. La collecte, l’inventaire, la conservation in situ et le conditionnement spécifique des bois calcinés ont été initiés par le département de Recherche/groupe Datation qui participe à deux programmes de recherche : CASIMODO et IntCall. 

 

Catherine Lavier a été chargée, au titre du programme ANR-CASIMODO, de l'étude des vestiges de la charpente. Le programme a pour objectif de répondre aux questions liées à la construction de la cathédrale, aux bois d’œuvre utilisés, à l’état des forêts, leur exploitation ainsi qu’à l’optimum climatique médiéval et son impact environnemental et sylvicole aux XIe-XIIIe siècles.

Catherine Lavier est dendro-archéologue, métier rassemblant l’archéologie de la dendrochronologie. La dendrochronologie pour dater des bois issus de zones tempérées à partir de leurs cernes de croissance annuels. En complément, l’archéologie permet de comprendre et appréhender l’évolution des structures bois. L’union de ces deux disciplines permet d’adapter au mieux l’échantillonnage aux problématiques rencontrées tout en respectant les exigences méthodologiques. 

Le groupe Datation participe également à un programme de recherche collaboratif qui consiste en l’amélioration de la courbe de calibration du radiocarbone (IntCal) pendant les différentes périodes de construction et restauration de la cathédrale, grâce à des mesures du taux de carbone 14.

C) La science au service des vitraux de Notre Dame

Les vitraux de Notre-Dame de Paris, en particulier les dépôts (intentionnels ou non) présents à leur surface font l’objet d’une étude spécifique à New AGLAE, une thèse cofinancée par la Fondation EDF, le C2RMF et le LRMH portant sur la caractérisation des dépôts plombifères dans le but d’optimiser les protocoles de décontamination.
 

rosace de la cathédrale
rosace de la cathédrale

Cette thèse a pour objectif d’optimiser l’imagerie issue des produits de l’interaction particules/matière afin d’apporter des éléments de réponse aux problématiques des objets du patrimoine et en particulier des vitraux. Il s’agira d’optimiser le Total-IBA (détection simultanée de tous les produits issus de l’interaction particules/matière) déjà pratiqué à New AGLAE et de développer la tomographie RBS ( technique permetant de reconstruire le volume d’un objet à partir d’une série de mesures). Cette étape ne se fait pas automatiquement et c’est en cela que son optimisation au moyen d’algorithmes d’intelligence artificielle est un axe majeur de la thèse.

L’ajout d’un détecteur de particules rétrodiffusées supplémentaire à un autre angle de détection permettra d’affiner les modèles de matériaux complexes et de les représenter en 3D. Si la méthodologie et les outils font l’objet d’une validation sur des échantillons standards ou parfaitement connus, des objets du patrimoine sont analysés dans le cadre de la thèse.
 

D) Le Département de Conservation préventive au service de Notre-Dame

Plusieurs agents du département de la conservation préventive du C2RMF ont participé au sauvetage des grands décors de la cathédrale Notre-Dame. Dès le lendemain de l’incendie, l’équipe a participé à la préparation de l’évacuation des Mays et deux agents sont intervenus sur place le vendredi 19 avril, aux côtés des collègues conservateurs, restaurateurs, régisseurs, transporteurs, etc. pour contribuer au bon déroulement de l’opération. Un agent s’est notamment occupé de la liste de colisage des œuvres au moment de l’évacuation. Des capteurs climatiques ont été placés auprès d’œuvres qui ne pouvaient être évacuées.
 

un mays de la cathédrale en cours d'évacuation
un mays de la cathédrale en cours d'évacuation

À la suite de leur transfert dans des réserves extérieures, l’équipe s’est également investie en faveur des bonnes conditions de conservation des œuvres sur place en proposant des aménagements de l’espace où étaient stockées les œuvres : cloisonnement de l’espace, installation d’appareils mobiles de régulation du climat, de ventilateurs, de capteurs climatiques. En lien avec le gestionnaire des locaux, le département de la conservation préventive a réalisé un suivi régulier du climat jusqu’au déménagement des œuvres en vue de leur restauration en fin d’année 2020. Dans l’intervalle, il a également contribué à l’élaboration du cahier des charges pour le transport, le stockage des œuvres et la mise à disposition d’un atelier de restauration pour les 21 tableaux qui avaient pu être évacués.

 

2. Etudier et restaurer le mobilier

A) Etudier le reliquaire de la couronne d’épines

Le reliquaire de la couronne d’épine est venu quelques jours au C2RMF en novembre 2023 afin de réaliser des radiographies, à cette occasion 17 clichés ont été enregistrés. L’objectif de cet examen était de comprendre comment les différentes parties du reliquaire sont assemblées ; de détecter des éléments de structure interne et d’appréhender les techniques du travail du métal et d’orfèvrerie mises en œuvre.

Le reliquaire, véritable joyau de l’orfèvrerie, est composé d’éléments mécaniques volontairement camouflés. 

  • Les radiographies mettent ainsi en évidence une tige métallique verticale traversant la colonne centrale située dans la moitié inférieure du reliquaire. Cette tige principale est vissée grâce à un système de platines de serrage dans le plateau inférieur et le plateau intermédiaire. On retrouve ce même système d’assemblage mécanique pour le maintien des figures et les éléments de décors du reliquaire. 
  • Des pièces de renfort interne en métal et une masse de forme conique probablement en bois sont visibles dans la colonne intermédiaire et à l’intérieur du plateau supérieur. 
  • Les radiographies des grandes figures montrent une technique mixte alliant d’une part un travail du métal au repoussé et des éléments rapportés probablement en fonte.   

Une étude plus approfondie de ce reliquaire devrait se poursuivre courant 2024. 

 ⭢ Exposition du Louvre sur le trésor de Notre-Dame

B) Les Mays de Notre-Dame de Paris

Le C2RMF est venu en appui de la DRAC pour organiser l’évacuation et la conservation des 22 tableaux, dont 13 « Mays ». Ces Mays sont un héritage exceptionnel datant du XVIIe au début du XVIIIe siècle, offert par les orfèvres parisiens le 1er mai de chaque année. 

Le Centre a mis en œuvre les opérations de dépoussiérage (face et revers) et des constats d'état détaillés effectués par des restaurateurs.
 

Saint Pierre ressuscitant la veuve Thabite, en cours de restauration
Saint Pierre ressuscitant la veuve Thabite, en cours de restauration

La restauration des grands formats de Notre-Dame a débuté en octobre 2021. Chaque tableau a fait l’objet d’un dossier d’étude et d’une analyse technique approfondie. Bien que l’incendie n’ait pas endommagé les toiles, il a permis de sortir les oeuvres de la cathédrale pour procéder à une remise au propre. Les tableaux ont ensuite été confiés à plus de cinquante restaurateurs libéraux pour une durée de plusieurs mois.

Du 24 avril au 21 juillet 2024, la DRAC, le C2RMF, et le Mobilier national s’associent pour présenter au public des chefs-d’œuvre du décor intérieur de l’édifice.

C) Sculptures

La filière restauration Sculptures du C2RMF a été conviée à rejoindre le Programme Collectif de Recherche (PCR) relatif au jubé de Notre-Dame de Paris, qui s’est réuni le 11 décembre 2023 au siège de l’Inrap. À la demande de l’Inrap, le C2RMF à présenter au PCR les tests effectués en interne afin de :

  • Proposer un premier protocole d’intervention (premières observation matérielles, tests de suppression des dépôts – refixe de la polychromie), 
  • Expliquer la complexité de cette intervention, et par conséquent le temps nécessaire à son exécution, estimé à environ 2500 jours pour plus de 1000 fragments retrouvés. 

Dans ce contexte, l’Inrap propose la création d’ateliers qui se réuniront entre 2024 et 2026 sur des thématiques multiples. Ces éléments seront prochainement précisés suite au compte rendu de cette réunion par l’Inrap. 

La mission du C2RMF est d'accompagner l’avancement du chantier, pouvant servir de modèle à d’autres grandes découvertes à l’avenir, mais aussi plus généralement pour tout grand chantier des collections, dès lors que celui-ci présente des problématiques à la fois de conservation et de gestion documentaire. 

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