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Etude d'œuvre : La Famille Bellelli

 La Famille Bellelli, le chef d’œuvre de jeunesse d’Edgar Degas. L’exposition « Manet/Degas » au Musée d’Orsay, du 28 mars au 23 juillet 2023

Publié le 04/03/2023

Le portrait de famille des Bellelli est une œuvre du musée d'Orsay tout juste réstaurée, exposée dans le cadre de l'exposition « Manet/Degas », présentée dans ce même musée du 28 mars au 23 juillet 2023.  L’œuvre avait été confiée au C2RMF pour une étude préalable et pour une série d’analyses avant la restauration.

Le travail de recherche et la réalisation d’une nouvelle campagne d’imagerie scientifique étaient nécessaires pour appréhender au mieux les éventuelles restaurations à effectuer. La Famille Bellelli n’avait par ailleurs pas fait l’objet de véritable travail de restauration depuis son acquisition par l’État en 1918.

Les analyses pratiquées par le C2RMF se sont concentrées sur des techniques photographiques, réalisant une imagerie en couleur complète. La radiographie et la réflectographie infrarouge ont été utilisées pour cette étude, ainsi qu’une série de pointés de fluorescence X, pour l’analyse des pigments. La confrontation de La Famille Bellelli et des œuvres préparatoires a été par ailleurs essentielle dans le procédé d’analyse de l’œuvre.
L’étude conduite au C2RMF a notamment permis de retracer la chronologie de l’œuvre, de découvrir des dessins sous-jacents, des repentirs dissimulés et d’établir un constat des diverses dégradations survenues au fil du temps.

 

La chronologie de l'oeuvre et de sa composition 

Détail de la corbeille à ouvrages © C2RMF/ Thomas Clot
Détail de la corbeille à ouvrages © C2RMF/ Thomas Clot

Les différentes techniques photographiques utilisées par le C2RMF ont permis de mettre en lumière les différentes étapes de composition de l'oeuvre étendue sur six ans. Ainsi, si cette huile sur toile rappelle les passages italiens du peintre après ses visites florentines chez sa tante, Laure Bellelli (épouse de Gennaro Bellelli), l'analyse comparative avec un pastel, dit ricordo, conservé à Copenhague, a permis d'établir une datation plus précise de l'oeuvre. Après de nombreuses études déssinées de sa tante et de ses nièces il se lance dans la peinture en 1858 et 1859.

La présumée longue temporalité de la composition de l’œuvre a été confirmée par le rapport scientifique, indiquant que des détails et sujets avaient été déplacés et remaniés par le peintre ; que la toile avait été réélaborée au fil des années. Les visages enfantins des fillettes, une fois grandies, ont par exemple été changés à leur image désormais mature. L’histoire de l’œuvre réapparait ainsi grâce à la radiographie, qui confirme ces différentes étapes du peintre revenant sur son œuvre, procédant d’abord au grattage de certains sujets pour transformer sa composition, et reprenant une importante partie du dessin sous-jacent (positionnement du visage de Giovanna, nombreuses modifications du fauteuil de Gennaro).

Une série de pointés de fluorescence X, pour tenter d’échantillonner les pigments, a par ailleurs indiqué que le peintre semblait avoir utilisé du blanc de plomb et du blanc de zinc.

 

Altérations observées

Un accident endommageant le fond de la toile de quatre déchirures notables est survenu en la supposée absence de Degas; il aurait autrement aussitôt dû procéder à une pose de pièces au revers pour limiter l’ouverture de ces déchirures. Le tableau tendu sur châssis aurait chuté contre un meuble, puis, aurait été laissé de côté pendant plusieurs années, dans un local au climat non stabilisé, laissant le temps à la toile de se rétracter.

Les mastics utilisés pour restaurer la toile endommagée présentent la même radio-opacité, ce qui laisse penser que la restauration des déchirures a été réalisée au même moment et selon un même procédé. Les déchirures auraient été ainsi simplement comblées au mastic par la pose d'une pièce, voire par un rentoilage. La présence du tampon de Momper sur les croisées du châssis, détecté en lumière rasante, laisse présumer que ce restaurateur et rentoileur actif à Paris de 1843 à 1888, serait l’auteur de ladite restauration.

Détail de la déchirure sur la pendule. Photographie en lumière rasante © C2RMF/
Détail de la déchirure sur la pendule. Photographie en lumière rasante © C2RMF/
La marque de Momper sur les croisées du châssis © C2RMF/Thomas Clot
La marque de Momper sur les croisées du châssis © C2RMF/Thomas Clot

 

Détail de la déchirure sur le tablier de Giovanna. Photographie en lumière réfléchie © C2RMF/
Détail de la déchirure sur le tablier de Giovanna. Photographie en lumière réfléchie © C2RMF/

 

Mise en lumière de la déchirure du tablier de Giovanna en lumière rasante © C2RMF/
Mise en lumière de la déchirure du tablier de Giovanna en lumière rasante © C2RMF/

Les principales déchirures sont disposées en quatre points nettement visibles en radiographie. Sont affectées par ces dégradations le visage de Laure Bellelli, la pendule, le tablier de Giovanna et le fauteuil de Gennaro. D’autres altérations visibles en radiographie ont affecté le support, telles que des pertes de couches peintes et des accrocs, ou encore, la présence de lacunes formant des lignes horizontales, qui indiquent que l’œuvre a été roulée.

L’étude des déchirures précise l’hypothèse de la longue temporalité de composition de l’œuvre, d’abord endommagée par une chute, puis longtemps délaissée, réalisée entre Paris et Florence. La déchirure en forme de X au niveau de la pendule plus fortement retracée indique qu’elle n’a pas été reprise immédiatement. De même, l’accroc traversant le visage de Laure, en forme d’escalier, quasiment indétectable à l’œil nu comme en photographie infrarouge en fausses couleurs, démontre que le visage n’aurait été peint qu’après l’accident.   

Il semblerait que Degas ait tardivement achevé son œuvre, pour l’exposer au Salon de 1867 à Paris. Le tableau aurait été ultimement retouché par son créateur dans l’enceinte même du Salon, d’après les retouches correspondantes aux zones de craquelures prématurées sur le tableau. La Famille Bellelli, cette toile de 201 x 249,5 cm, représente ainsi un portrait austère de la famille italienne du peintre, posant dans leur salon couvert de papier peint bleu, devant un dessin à la sanguine du grand-père du peintre, Hilaire Degas. Non loin de sa femme et de ses fillettes, trône dans son fauteuil le père de famille. Seule la posture plus désinvolte et relâchée de Giulia, laissant dépasser négligemment sa jambe, se détache des conventions sociales qui pèsent sur les sujets.

Équipe C2RMF

Département Recherche
•    Bruno Mottin, conservateur général du patrimoine
•    Laurence Clivet, photographe (Réflectographie infrarouge et radiographie)
•    Éric Laval, ingénieur (Spectrométrie de fluorescence X)


Département restauration
•    Matthieu Gilles, conservateur en chef de la filière peinture au C2RMF
•    Christian Chatelier, Laurence Mugnot, Frédéric Pellas et Bénédicte Trémolières (restaurateurs pour le Musée d’Orsay)


Institution à l’origine du projet
•    Musée d’Orsay : Isolde Pludermacher (conservatrice en chef du département peinture), Anne Robbins (conservatrice peinture), Caroline Gaillard (documentaliste pour l'exposition Manet Degas)

 

Documentation complémentaire

Rapports d'expertise disponible au centre de documentation du C2RMF - Site du Carousel du Louvre

 

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