Le Chancelier Rolin en prière devant la Vierge, dit "La Vierge du chancelier Rolin"
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Restauration : LA VIERGE DU CHANCELIER ROLIN

La vierge du chancelier Rolin, une oeuvre tridimentionelle.

Un avers redécouvert et un revers découvert

Publié le 20/03/2024

Défigurées par l’assombrissement superficiel, les deux faces retrouvent leur splendeur après une restauration fondamentale.

L'aspect de présentation de l'oeuvre justifiait de s’engager dans une restauration fondamentale. Cette considération esthétique s’est également portée sur l’exceptionnel revers peint. Au fil du temps, l’oxydation des vernis anciens, leur encrassement, les soins ponctuels apportés ici et là lors de remises en ordre ont eu raison de l’harmonie initiale de ce chef d’œuvre de Jan Van Eyck.  

HISTORIQUE DE L’ŒUVRE

La Vierge et l’Enfant au chancelier Rolin a été peinte par Jan van Eyck (vers 1390/95-1441) pour Nicolas Rolin (vers 1376/80 -1462), chancelier du duc de Bourgogne, Philippe Le Bon. Elle était placée dans l’église Notre-Dame-du-Châtel à Autun (détruite en 1793) pour orner sa chapelle dédiée à Saint Sébastien.

HISTOIRE MATERIELLE

Un panneau de chêne (H. 0,66 m, L 0 ,62 m, épaisseur 1,7 cm) constitué de trois planches, figurant sur l’avers le chancelier Rolin et la Vierge à l’Enfant et au revers une peinture imitant une pierre jaspée.
 

@C2RMF/Thomas Clot – Image numérique en lumière réfléchie, couleurs, après intervention, tranche latérale dextre
Image numérique en lumière réfléchie, couleurs, après intervention, tranche latérale dextre

L’œuvre est saisie en 1793 et transférée en 1800 au Louvre où l’expert Jean-Baptiste Lebrun note « dans le haut du tableau deux fêlures du bois ». De 1894 à 1907 des documents d’archives et plusieurs procès-verbaux de la commission de restauration du Louvre évoquent les soulèvements cycliques de la couche picturale suivis de refixage.

En avril 1944 une lettre de René Huyghe indique que le tableau est maintenu au revers par deux traverses vissées. En dehors des différentes modifications et amputations du support survenu au cours des siècles, la seule intervention fondamentale de restauration concerne le support. En 1953 il est décidé en raison de la récurrence des soulèvements et de l’aggravation de l’ouverture des joints de dévisser les deux traverses, d’incruster au revers à mi-bois six papillons et d’installer le panneau dans un châssis- cadre. 

LE PROJET DE RESTAURATION

La restauration s’est inscrite dans le cadre de l’exposition « Revoir van Eyck - La Vierge au chancelier Rolin » au musée du Louvre (2O mars-17 juin 2024).
Le panneau est entré au C2RMF en décembre 2021 pour une étude au laboratoire suivie de la restauration de septembre 2022 décembre 2023 dans les ateliers restauration peinture du site de Flore. 
Annie Hochart pour les couches picturales et Patrick Mandron pour le support et par Clarisse Delmas, pilote C2RMF du projet.
Les conservateurs du musée du Louvre et du C2RMF ont assuré le suivi de la restauration.

L’INTERVENTION DE RESTAURATION

L’intervention sur la face de cette œuvre avait comme objectif majeur la restitution d’une image depuis longtemps dénaturée par le brunissement prononcé d’épaisses couches de vernis et d’importants repeints surchargeant le manteau rouge de la Vierge. Le projet incluait la suppression du badigeon noir qui recouvrait en partie l’entourage de bois non peint. Était également prévue une remise en ordre à minima du revers peint. Il s’agissait de refixer les éléments en perte d’adhérence, d’enlever des restes de papiers collés près des bords, de procéder à un décrassage et de refermer quelques trous ayant par le passé servi pour la fixation des 2 traverses de maintien. 
 

@C2RMF/Thomas Clot – Image numérique en lumière réfléchie, couleurs, après intervention, quart supérieur senestre : visage de la Vierge, en cours de nettoyage
Image numérique en lumière réfléchie, couleurs, après intervention, quart supérieur senestre : visage de la Vierge, en cours de nettoyage

En raison des quelques points de fragilité du revers, c’est par celui-ci que commença l’intervention : refixage, enlèvement des lambeaux de papier et décrassage de la surface picturale.

Après l’approbation des tests de nettoyage sur l’avers par les responsables de l’œuvre l’allégement des vernis anciens et l’élimination des différents repeints ont été réalisés. Cette première étape a révélé les coloris subtils, les bleus lumineux et intenses, les verts parfaitement conservés et, pour l’ensemble, la définition éblouissante de tous les détails mais aussi de l’espace, qu’il soit limité par l’architecture ou offert par les plans successifs qui amènent le regard jusqu’aux lointains. La suppression des repeints successifs accumulés sur le manteau rouge de la Vierge pour en masquer le réseau des craquelures prématurées a mis au jour la préparation claire ce qui entraina une image disloquée et perturbante du drapé. C’est par des glacis colorés que les craquelures prématurées ont été progressivement rendues à un niveau chromatique légèrement en-dessous du rouge original mais permettent néanmoins d’apprécier le modelé et la nervosité des plis. Sur le reste du tableau c’est la réintégration illusionniste qui s’est imposée.  
 

@C2RMF/Thomas Clot – Image numérique en lumière réfléchie, couleurs, après intervention, revers, en cours d’intervention
Image numérique en lumière réfléchie, couleurs, après intervention, revers, en cours d’intervention

S’agissant du revers, le décrassage a révélé une peinture de très haute qualité, d’une technique brillante et peu courante. À la suite de cette découverte la décision fut prise d’exposer le revers. Cette option a fait évoluer les premières intentions vers de nouvelles interventions, les unes entrainant les autres : d’abord araser papillons laissés, puis masquer les papillons en les mastiquant et en les retouchant de manière illusionniste. Les nombreuses lacunes périphériques sont alors devenues trop présentes et nuisaient à l’appréciation de la gestuelle d’exécution si particulière de ce revers. Les lacunes, de formes très déchiquetées ont été mastiquées et réintégrées en reproduisant les différentes étapes décelées sur la matière originale environnante. Le choix d’un illusionnisme total a permis la restitution de la puissance abstraite de ce revers sans la gêne d’une retouche « visible ». Le numéro d’inventaire des Musées Royaux a été conservé.


CONCLUSION

La restauration a rétabli l’image dans le processus mystique de la vision du Chancelier Rolin en redonnant de la spatialité sur l’avers et en restituant l’effet cosmique sur le revers. 
Elle a permis de repenser à la présentation de l’œuvre dans les salles des peintures françaises du XVe siècle.
 

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