Le Chancelier Rolin en prière devant la Vierge, dit "La Vierge du chancelier Rolin"
Voir toutes les actualités

étude d'œuvre: LA VIERGE DU CHANCELIER ROLIN

La Vierge à l’Enfant du chancelier Rolin de Jan VAN EYCK 

Publié le 20/03/2024

Introduction

La Vierge à l’Enfant du chancelier Rolin est venue au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) pour étude préalable à sa restauration. Après un constat d’ensemble, une discussion des résultats portera plus particulièrement sur l’état initial de l’œuvre et ses transformations.

Présentation de l’œuvre et de son support
 

Le support (h :71 cm x 65 cm) est un panneau de chêne à fil vertical, d’une épaisseur moyenne de 17-18 mm, formé de trois planches similaires, les deux planches externes légèrement plus étroites provenant sans doute du même arbre. La finesse radiologique des cernes du bois suggère un chêne balte. Les joints sont renforcés chacun par deux chevilles également en chêne, d’un diamètre de 9 mm.

Sur les tranches supérieure et inférieure, existent plusieurs cavités de chevilles, de forme quadrangulaire et d’allure ancienne, de répartition inhomogène (fig 1).
 

: schéma du support : Les joints sont indiqués en rouge, les assemblages chevillés du panneau en brun, les incisions d’angle en jaune, les cavités de chevilles des tranches en vert. (E. Ravaud-C2RMF)
: schéma du support : Les joints sont indiqués en rouge, les assemblages chevillés du panneau en brun, les incisions d’angle en jaune, les cavités de chevilles des tranches en vert.
Fig 2 : détail au microscope du bord senestre montrant la préparation blanche, une possible impression translucide grise, une couche noire et une couche verte, puis la couche brune de surface (E. Ravaud-C2RMF)
Fig 2 : détail au microscope du bord senestre montrant la préparation blanche, une possible impression translucide grise, une couche noire et une couche verte, puis la couche brune de surface

Sur la radiographie, leur diamètre maximal est de 7,5 -8mm. Une légère dépression allongée de 8,5 cm sur la tranche dextre supérieure correspond à la trace d’un autre logement de cheville recoupé. Sur les côtés horizontaux, le bord nu mesure 3 cm de large, tandis qu’il est plus étroit latéralement (1,1 cm à senestre, 1,4 cm à dextre).

A l’examen au microscope des limites peintes verticales, la préparation et la couche picturale s’incurvent verticalement, bordées vers l’extérieur par une surépaisseur de bois en continuité avec le panneau. Ceci témoigne d’un cadre partiellement taillé dans la masse selon le fil du bois, puis arasé ultérieurement. Des incisions en biais à 45° sont présentes aux quatre coins, sur le bois nu. L’incision de l’angle supérieur gauche se prolonge sous la couche peinte, confirmant que les incisions ont été faites lors de la réalisation du support par le menuisier. L’angle oblique indique que les bords nus étaient initialement de même largeur. Plusieurs indices (largeurs des planches et du bord nu, répartition des cavités et incisions d’angle) montrent donc que les bords latéraux ont été recoupés et que le bord nu comptait au moins 3 cm (fig 1). Aucune trace de charnière n’a été identifiée.

La préparation est blanche, à base de calcium. Une barbe présente sur les quatre côtés indique que l’œuvre a été préparée et peinte dans son cadre. Une impression est possiblement présente sous forme d’une couche grise translucide visible au microscope (fig 2).

La composition de l’œuvre : du dessin à la phase peinte

La composition a été mise en place en différentes étapes, du dessin à la phase peinte. La réflectographie infrarouge permet d’étudier le dessin, tandis que la radiographie et les cartographies de fluorescence X apportent des éléments sur des incisions du carrelage et la phase peinte.
Un dais s’étendait au-dessus et derrière de la Vierge, très visible sur la réflectographie infrarouge. L’examen au microscope et la cartographie du cuivre (fig 3) précisent sa couleur verte modulée et l’existence d’une tenture du dais retombant derrière la Vierge jusqu’à son coussin. Les défauts d’adhérence signalés depuis la fin du XIXe siècle dans la partie supérieure droite de la composition, la chevelure de la Vierge et le vitrail, s’avèrent liés à ce repentir.

Le paysage a été mis en place par un dessin peint, délimitant certaines lignes d’horizon, indiquant parfois par des hachures, les zones ombrées des reliefs (fig 4). Absent derrière les piliers des arcades, il a été placé après l’architecture. Il est peint dans le frais au contraire des drapés et carnations obtenus par couches successives.
Un dessin sous-jacent détaille le visage du chancelier, et comporte plusieurs petits repentirs. Un fin hachurage indique les ombres du cou et de la joue. Le vêtement dessiné par quelques traits peints comportait une manche initialement plus étroite. Une première ceinture était décalée vers le bas et servait d’attache à une bourse qui ne fut jamais peinte (fig 5).

Plusieurs modifications de position des mains de la Vierge sont associées à celles des bras de l’Enfant au stade du dessin sous-jacent (fig 6). L’Ange est particulièrement travaillé à cette étape avec l’indication des contours et un intense hachurage de modelé.

Bordant la composition, le fin liseré de vert appliqué sur une sous-couche noire (fig 2), confirmé par la cartographie du cuivre, semble être relative à la polychromie du cadre.

La palette est raffinée, avec le précieux lapis lazuli présent en abondance. Ont également été identifiés du vermillon, de la laque rouge, du vert au cuivre, des ocres, du jaune de plomb et d’étain, une couleur brune transparente (laque ?), du noir de carbone (charbon), un peu d’azurite. Les cartographies de fluorescence X ont permis de proposer l’usage de plusieurs additifs : vert de gris dans les sombres, sulfate de zinc qui semble lié à l’usage d’un laque brune dans le brocart du chancelier et les bruns (fig 7), verre broyé dans le manteau de la Vierge.

La couche peinte s’est révélée en assez bon état général lors de l’enlèvement du vernis et des repeints à l’exception du manteau de la Vierge altéré par un large réseau de craquelures prématurées. Le revers, sans bord nu, montre une magnifique marbrure jaspée noire et jaune posée sur une préparation grise (fig 8).

Après son nettoyage, les papillons incrustés lors de la dernière restauration, ont été minutieusement rabotés pour affleurer la face du bois en vue d’une restitution illusionniste de la polychromie.

Modification du support

La question se pose de l’état d’origine du tableau et de son histoire matérielle, en raison des signes de recoupe et d’une description du tableau en 17058 indiquant un format rectangulaire, estimé à h. 81 cm sur 130 cm, avec une moulure de bois portant  des lettres peintes en imitation de relief.
L’ensemble des observations laisse penser que le panneau original comportait un cadre mixte, taillé dans la masse latéralement selon le fil du bois et complété par des éléments rapportés et chevillés à contre-fil horizontalement, un procédé fréquemment observé dans le corpus de l’artiste avant 1439. Dans l’hypothèse d’un cadre d’une largeur de 5-6 cm, le format de l’œuvre atteignait 75-77 cm de haut et 73-75 cm de large. La polychromie du cadre près de la composition peinte était de couleur verte sur une sous-couche noire et comportait une Inscription en pseudo-relief. La marbrure du revers s’étendait jusqu’aux bords du panneau (fig 9).

Plusieurs modifications sont intervenues par la suite. Les logements de cheville observés dans l’épaisseur des bords horizontaux, distincts par leurs dimensions des assemblages des joints, sont très anciens de par leur morphologie et les traces environnantes des contraintes subies par les assemblages correspondant. Réalisés de plus dans un panneau intègre, ces traces d’assemblage apparaissent nécessairement tôt dans l’histoire de l’œuvre. Une hypothèse serait qu’elles permettaient d’enchâsser le tableau dans une structure plus grande pour amplifier son importance et/ou permettre une présentation autoportante (fig 10).

Cette décision fut-elle celle du commanditaire insatisfait ou plus tardive lorsque la chapelle devint sacristie ? La description du tableau en 1705 pourrait correspondre à l’état précédent sans que l’on puisse exclure d’autres modifications.

La réduction de l’œuvre est survenue entre 1705 et 1810, date où le tableau présente ses dimensions actuelles11. Elle n’a pas restitué le panneau d’origine. Les modifications des quatre côtés pourraient alors témoigner d’assemblages avec les anciens agrandissements, mutilants et/ou devenus irréversibles. Les entrées hauteur et largeur qui ne sont pas renseignées mais laissées en blanc dans l’inventaire de Lebrun dressé à l’arrivée de l’œuvre au Museum en 1800 manifestent peut-être l’intention, dès cette époque, d’opérer cette réduction sur une œuvre manifestement composite.
 

Information : réduction des activités sur le site de Versailles
De juin 2022 jusqu’à fin 2025
Développements instrumentaux
La microscopie optique

Une technique aux usages différents 

Publié le 23/06/2021