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Restauration : sculpture en plâtre de Rodin

comprendre un processus de création

Publié le 24/01/2024

Fig 1 : L’éternel Printemps, Auguste Rodin (S.02117) vue de face avant restauration C2RMF/ Michel Bourguet
Fig 1 : L’éternel Printemps, Auguste Rodin (S.02117) vue de face avant restauration

Le tirage en plâtre de l’Eternel Printemps, réalisé par Rodin entre 1850 et 1900 est une œuvre originale ainsi qu’une maquette de mise-aux-points ayant servi de modèle pour le marbre du même nom. Cette sculpture, qui appartient aux collections du musée Rodin, est arrivée dans les ateliers de restauration de la filière sculpture du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France en août 2023 afin d’être nettoyée et consolidée par endroit. Ce travail est mené par la restauratrice Hélène Susini, sous la direction de Laetitia Barragué-Zouita, conservateur au sein de la filière sculpture du département Restauration du C2RMF. Présentant des armatures en métal et des traces de crayon graphite à sa surface, cette œuvre nous livre un véritable témoignage du processus de création des œuvres de Rodin. Le C2RMF vous invite à vous plonger dans l’univers des ateliers d’Auguste Rodin, afin de comprendre le processus de création de ses œuvres à travers l’étude et le projet de restauration de l’Eternel Printemps. 

Historique de l’œuvre

L’art d’Auguste Rodin, tourné vers l’expression du mouvement, naît d’une réflexion sans cesse renouvelée sur expérimentation et l’assemblages de fragments divers, permettant de conférer à ses œuvres une puissance expressive décuplée. A partir de 1880, l’artiste se consacre à la réalisation de La porte de l’Enfer, œuvre monumentale inspirée de l’imaginaire de l’Enfer de Dante, sur laquelle Rodin travaille jusqu’à sa mort. Le groupe de L’éternel printemps, vraisemblablement conçu pour figurer sur La porte de l’Enfer, en sera finalement écarté, tout comme Le Baiser, les deux amants entrelacés détonnant avec la vision tragiquement tourmentée de l’ensemble. Cette porte monumentale composée de plus de deux cents figures et groupes constitue pour l’artiste un véritable répertoire de modèles. Rodin n’hésite pas à y puiser son inspiration, reprenant des figures complètes et des fragments, pour satisfaire son désir d’occupation de l’espace avec des variations de compositions. Certaines figures de l’ensemble donneront lieu à des groupes autonomes, comme c’est également le cas pour le célèbre Penseur. L’Eternel Printemps, dérivé du Torse d’Adèle, a été exposée au Salon de 1898. Cette œuvre a connu un grand succès et a été traduite plusieurs fois en bronze et en marbre, dont un exemplaire en bronze est actuellement conservé au musée Rodin et un autre au musée d’Orsay. Rodin y a d’ailleurs apporté quelques variations au cours du temps. 

Restaurer : un moyen de mieux appréhender un processus de création

Longtemps relégués au rang d’outil de travail et non considérés comme des œuvres définitives, les plâtres ont souvent souffert d’un manque d’intérêt, ayant aujourd’hui valeur d’originaux à conserver.
Ce tirage en plâtre de l’Eternel Printemps a été confié au C2RMF à l’initiative d’Aude Chevalier (attachée de conservation-chargée des sculptures au musée Rodin) pour une intervention de restauration de l’œuvre. Cette sculpture, composée de deux figures en plâtre insérées elles-mêmes dans un cadre en plâtre renforcé par des armatures en métal, présentait des failles structurelles importantes, notamment au niveau du bras du personnage masculin, maintenu grâce à une agrafe en métal. Le plâtre blanc s’étant encrassé au fils du temps, un nettoyage doit également permettre de redonner à l’œuvre un aspect le plus proche possible de son apparence originale.

Cette sculpture apparait comme le témoin d’un processus créatif complexe, dont chaque étape peut être illustrée, notamment grâce aux nombreuses traces de crayon graphites encore visibles sur l’œuvre. Ainsi, la restauration de cette œuvre sera également l’occasion de mieux appréhender et documenter le processus créatif propre à l’artiste. 
La pratique du moulage permet la reprise et la multiplication de figures ou de fragments déjà conçus, parfois réutilisés au sein de nouvelles compositions. Les armatures métalliques au niveau du socle de l’œuvre et la présence d’agrafes d’origines illustrent bien ce phénomène d’assemblage d’éléments divers.

L’exécution d’un tirage en plâtre comme celui-ci apparait ainsi comme une étape technique nécessaire, lors de l’exécution d’un marbre ou de la fonte d’un bronze. Ce modèle a d’ailleurs été produit en quatre tailles pendant plus d’une vingtaine d’années entre 1898 et 1918. 

Dans un premier temps, le modèle de l’œuvre est façonné en terre, selon la conception propre à l’artiste. Puis, grâce à un moulage à creux perdu, l’œuvre en terre donne lieu à l’épreuve originale en plâtre, qui prend ainsi le statut d’œuvre d’art à part entière d’autant que la terre est en général détruite lors de la confection du moule. Un second moulage, dit à bon creux, est ensuite être réalisé, permettant de créer un moule à pièces de dégagement (constitué de plusieurs pièces), qui servira à créer des épreuves multiples en plâtres. (Voir la vidéo explicative du musée Rodin ici). Comme l’explique la restauratrice Hélène Susini, c’est à cette étape que correspond le plâtre de l’Eternel Printemps, identifiable grâce à la présence du réseau de coutures à la surface de l’œuvre, soit les fines lignes en relief correspondant aux traces laissées par les jointures des pièces du moule, lorsque le plâtre a été coulé. Pour pouvoir transposer cette œuvre dans le marbre, la technique utilisée est celle de la mise-aux-points, ou mise-aux-points à la machine, permettant des traductions à la même échelle. 

Des premiers points de basement métalliques, formant un T renversé, sont situés pareillement sur le modèle et sur le marbre, permettant aux tiges de la machine à mise-aux-points de venir s’y fixer, comme cela est visible au niveau du coude de la figure féminine par exemple. 
 

Fig 4 : Détail de L’éternel Printemps, Auguste Rodin (S.02117), vue d’un point de basement situé au niveau du coude de la figure féminine, points secondaires et croix de report tracés au crayon sur l’œuvre C2RMF/ Victoria Larrieu
Fig 4 : Détail de L’éternel Printemps, Auguste Rodin (S.02117), vue d’un point de basement situé au niveau du coude de la figure féminine, points secondaires et croix de report tracés au crayon sur l’œuvre
Fig 5 : Détail de L’éternel Printemps, Auguste Rodin (S.02117), annotation tracée au crayon sur le ventre de la figure masculine C2RMF/ Victoria Larrieu
Fig 5 : Détail de L’éternel Printemps, Auguste Rodin (S.02117), annotation tracée au crayon sur le ventre de la figure masculine

Un réseau de repères, constitué de points secondaires et de croix de mise-aux-points, est tracé au crayon sur l’œuvre, puis reporté sur le marbre. Cette œuvre portant encore de nombreuses traces de report, tracés au crayon, permet d’illustrer ce processus. On observe également des inscriptions d’origine, tracées au crayon, dont un numéro d’inventaire sur l’épaule gauche de l’homme et une annotation sur son ventre. Afin de nettoyer cette œuvre, la restauratrice a effectué des essais de nettoyage au laser, de manière à rendre sa lisibilité à l’œuvre, sans effacer les traces de report. On connait la profondeur à creuser en mesurant la distance à laquelle l’aiguille a dû reculer pour affleurer la surface du marbre. (Voir la vidéo explicative du musée Rodin ici)

Concernant la reproduction des œuvres, selon la volonté de l’artiste, chaque œuvre originale peut accepter huit exemplaires originaux en bronze et quatre épreuves d’artiste, soit douze reproductions originales anthume ou posthume, qui peuvent être commercialisées comme tel. 

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