Le cuivre d’Angkor : Les premières mines, les premiers ateliers

Depuis 2021, dans le cadre d’une thèse de doctorat (S. Clouet, Sorbonne Université, 2019-2024) s’inscrivant dans le programme de recherche LANGAU (dir. Brice Vincent, EFEO, avec de nombreux partenaires dont le C2RMF), nous travaillons à la caractérisation d'un complexe minier et métallurgique nouvellement découvert dans la région de Chhaep (province de Preah Vihear, Cambodge). Situé à 170 km au nord-est d'Angkor, la capitale du royaume angkorien (IXe – XVe siècle de notre ère) il comprend une quinzaine de sites métallurgiques dont les traces d'occupation s'étalent sur près de deux millénaires, de l'Âge du bronze à la fin de la période angkorienne. Plusieurs études de terrain et une récente campagne de fouilles ont révélé des vestiges d’opération d'extraction, de traitement et de réduction de minerai liées à la fois à la production de cuivre et à celle de fer. 

Sur les deux principaux sites archéologiques étudiés, Phnom Chroap Phdau (PCP) et Trapeang Choan Sanlong (TCS), les activités de production de cuivre semblent en outre s’étendre sur plus d’un millénaire, entre la fin du IVe et le début du XIVe siècle de notre ère. PCP a livré les vestiges d'une ancienne fosse d'extraction de minerai de cuivre d’environ 300 000 m3, entourée d’imposantes haldes sur près de 4 hectares. À TCS, une quinzaine d’ensembles d’amas de scories écoulées répartis sur 10 hectares, associés à plusieurs fours de réduction identifiés lors des fouilles, témoignent d’opérations de réduction de ce minerai. Tandis que d’autres espaces du site ont livré des pierres à cupule, des fragments de creuset et des scories plates, liées selon toute vraisemblance à des opérations de préparation du minerai ainsi qu’à une seconde opération métallurgique.

En complément de cette étude archéologique, plusieurs campagnes d’analyses menées au C2RMF ont permis de déterminer la composition chimique et pétrographique de 90 scories provenant de TCS, par microscopie optique et électronique, pXRF, PIXE, MEB-EDS, et spectroscopie RAMAN. De la XRD est en cours au sein de l’équipe PCMTH. Alors que toutes les scories écoulées se sont révélées chimiquement et pétrographiquement assez homogènes, les scories plates présentent, quant à elles, une plus grande variété de composition et semblent être liées à une opération distincte, complémentaire de la première. Mises en relation, ces données archéologiques et analytiques permettent aujourd’hui de proposer une restitution des procédés de production primaire de cuivre au sein du Cambodge angkorien, de l’extraction du minerai jusqu’à sa transformation en métal.