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Etude et restauration de deux amphores attiques de la BnF

Publié le 16/09/2022

L’amphore d’Amasis avant restauration
L’amphore d’Amasis avant restauration

En septembre 2020, le C2RMF s’est vu confier deux vases grecs comptant parmi les chefs-d’œuvre de la collection du Département des Monnaies, Médailles et Antiques de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Un travail interdisciplinaire associant la BnF aux équipes du C2RMF, à des restauratrices libérales et à la Manufacture nationale de porcelaine de Sèvres, avec l’accompagnement d’un comité scientifique, a permis de reprendre l’étude de ces deux chefs-d’œuvre et de les restaurer en vue de leur présentation au public dans le nouveau musée de la BnF, ouvert en septembre 2022.

L'amphore du peintre d'Amasis

Le premier des deux vases est une amphore à col façonnée à Athènes, vers 540-535, par le potier Amasis qui l’a signée à deux reprises. Le décor en a été confié à un peintre appelé par convention « Peintre d’Amasis » (à moins qu’il ne s’agisse de la même personne ?) qui compose ici, dans la technique de la figure noire, un décor à la gloire d’Athéna, de Poséidon et de Dionysos.
Découverte dans des circonstances inconnues, l’amphore a appartenu au chevalier Durand avant de rejoindre en 1836 la prestigieuse collection d’antiques du duc de Luynes (1802-1867), qui en fait don au Cabinet des Médailles en 1862. Elle a fait l'objet deux restaurations au moins : l'une, illusionniste, avant son acquisition par le duc de Luynes, et l'autre, en 1962.

L’étude préalable a permis de dresser un constat d’état de la conservation de l’objet. L’amphore était entière à l’exception d’une lacune sur l’épaule, comblée et retouchée grossièrement.

L’amphore d’Amasis vue sous UV  ©C2RMF/ Anne Maigret
L’amphore d’Amasis vue sous UV

L’aspect pulvérulent de l’argile sur la paroi intérieure du vase faisait soupçonner la contamination de la céramique par des sels hygroscopiques : une investigation plus poussée (analyse par diffraction des rayons X et examen au microscope électronique à balayage) a permis de conclure à l’absence de sels.

L’amphore, à l’épiderme bien conservé ou au contraire abrasé selon les zones, présentait une surface très hétérogène.
Le décor affichait des restes de repeints illusionnistes du XIXe siècle à base de gomme laque, visibles par une fluorescence orange sous UV : les rehauts rouges antiques avaient été rechargés, et le fond en réserve harmonisé au moyen d’une retouche orange posée directement sur l’argile. Des échantillons de la couche picturale ont été observés sous microscope optique et microscope électronique à balayage, ce qui a permis de préciser les pigments utilisés et leur stratigraphie. Au cours de la même intervention la tête d’Athéna, lacunaire, avait été complétée de manière illusionniste, de même que la tête des deux ménades.

Enfin, un jutage à la gomme laque avait été généreusement appliqué, principalement sur les zones de réserve : cette gomme laque, altérée, formait par endroits des dépôts verdâtres.

En 1962, dans un parti-pris « archéologique », les retouches illusionnistes sont partiellement éliminées au moyen d’un nettoyage chimique. Cette intervention laisse imprégnés dans la pâte les résidus de différents produits employés (visibles sous UV par des fluorescences bleutées et blanc-vert).

L’étude préalable a en outre fourni l’occasion d’étudier les dépôts présents à l’intérieur de la panse. Leur analyse a révélé qu’il s’agissait de substances organiques laissées par les contenus que l’amphore a renfermés dans l’Antiquité.

La restauration a consisté à stabiliser l’état structurel du vase en consolidant les fissures évolutives. Le comblement de la lacune de l’épaule a été déposé et remplacé par un nouveau comblement en plâtre, en léger retrait, retouché aux petits points un ton en-dessous de la couleur de la céramique antique.
Le nettoyage de la surface, à l’aide de différents solvants, s’est concentré sur le retrait de l’encrassement et des produits de restaurations anciens ayant viré. Certains dépôts ont toutefois résisté au nettoyage.
L’on n’a pas cherché à atténuer par une retouche le contraste entre les zones d’épiderme intact et les zones d’abrasion afin de ne pas ajouter une intervention supplémentaire aux multiples interventions dont la surface porte encore la marque.

L'amphore du peintre d'Achille

La seconde amphore, produite vers 450-445, se rattache à la typologie des amphores pointues, forme rare et interprétée comme une production de luxe. Le support antique qui lui est associé (mais appartenait-il réellement à cette amphore ?) est l’un des seuls conservés. Le décor de thiase bachique est l’œuvre du Peintre d’Achille, l’un des grands représentants de la figure rouge à Athènes.

Acquis par des Étrusques, le vase a connu un nouvel usage comme mobilier funéraire dans une sépulture de la nécropole de Vulci. C’est là qu’il a été découvert au XIXe siècle. Il est restauré avant 1847 puis entre à son tour dans la collection du duc de Luynes.

L’étude préalable conduite au C2RMF visait notamment à faire la part de l’antique et du moderne sur ce vase dont la forme et le décor avaient été fortement repris par les restaurateurs du XIXe siècle.

La radiographie révèle un vase très fragmentaire et permet de distinguer nettement les tessons antiques, qui portent des traces de tournage laissées par les doigts du potier. Les lacunes étendues (toute la partie inférieure de la panse, toute l’épaule et le col) ont été complétées au XIXe siècle par un assemblage de tessons de terre cuite retaillés, collés à la gomme laque et à la colle protéinique et liés par des mastics blancs ; les anses ont ainsi été entièrement recréées en terre cuite moderne, et ne correspondent pas aux typologies d’anses connues pour des amphores pointues. Le col, partiellement antique, appartenait vraisemblablement à un autre vase : par sa typologie, il trouve ses plus proches parallèles dans des stamnoi et hydries, plutôt hors d'Attique. La stabilité structurelle de l’objet était compromise par les collages anciens qui s’étaient fragilisés en vieillissant, occasionnant la perte de plusieurs fragments.

Les clichés sous UV montrent en outre que si les fragments originaux de la panse sont jointifs, les repeints à base de gomme laque visant à masquer les lignes de cassure sont largement débordants. Ces repeints étaient, en outre, désaccordés et présentaient des soulèvements. Les pigments utilisés pour ces repeints ont été identifiés par examen sous microscope optique et microscope électronique à balayage.

Afin de donner plutôt à voir le chef-d'œuvre du Ve siècle que l'objet « mixte » que l'on avait toujours connu, il a été décidé de retirer les interventions du XIXe siècle. L’objet a été précisément documenté par une couverture d’imagerie et un scan 3D avant d’être démonté et débarrassé des comblements et repeints modernes. Les comblements XIXe déposés seront conservés dans le dossier documentaire de l’œuvre.

Les fragments antiques, nettoyés, ont été remontés et donnent à présent à voir le profil rectifié de l’amphore. La forme du col et des anses a été restituée par comparaison typologique avec les autres amphores pointues connues ; un col amovible en plâtre, dont la fabrication a été confiée à l’atelier plâtre de la Manufacture nationale de porcelaine de Sèvres, a été créé sur ce modèle pour prendre place sur l’amphore afin de reconstituer son profil archéologique complet.
La restauration s’est poursuivie avec une retouche visant à redonner de la lisibilité au décor, notamment en atténuant le réseau de cassures.

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