façade ouest, Maison Desbassayns, musée historique de Villèle (La Réunion)
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La conservation en milieu tropical

Publié le 17/05/2017

Soucieux de soutenir et de s’ancrer dans le plan national d’adaptation du patrimoine culturel matériel au changement climatique, le C2RMF a conduit une étude climatique avec six musées de l’île de la Réunion, visant à déterminer les enjeux et les moyens à mobiliser pour inscrire les musées dans une politique conciliant développement durable et respect de l’intégrité des biens culturels conservés ou exposés. Dans ce but, le C2RMF s’est associé par convention à la Direction des affaires culturelles de l’Océan indien (DAC ‑ 01) et à l’Institut national du patrimoine (département des restaurateurs), en septembre 2016.

Cette étude a pour objectifs de rendre compte du comportement thermo‑hygrodynamique des bâtiments non dotés d’un système de régulation climatique et d’observer visuellement le degré d’adaptation des collections au climat tropical grâce à des constats d’état trimestriels réalisés durant deux ans. L’examen des données doit permettre de réfléchir aux modalités d’assouplissement des consignes climatiques selon la sensibilité de ces collections, en interrogeant la pertinence des consignes conservatoires développées en milieu tempéré et appliquées aux zones tropicales. L’objectif final est aussi de valider ou d’améliorer les pratiques conservatoires locales.

plan de l'emplacement ds capteurs et leurs résultats.
plan de l'emplacement des capteurs et leurs résultats.

Grâce aux bonnes relations établies par la DAC OI avec les musées de son territoire, depuis 2014, une quarantaine de capteurs thermo‑hygrométriques ont été déposés en salles d’exposition et en réserves dans six musées de l’Île de La Réunion : Muséum d’histoire naturelle et musée Léon Dierx à Saint‑Denis, musée historique de Villèle à Saint‑Gilles‑les‑Hauts, musée Stella Matutina à Saint‑Leu, Domaine du Grand Hazier à Sainte‑Suzanne, musée des arts décoratifs de l’océan Indien à Maison‑Rouge. En 2017, les mesures environnementales enregistrées sur deux années pleines ont été confrontées aux examens visuels établis par Aurélie Martin‑MacLuckie, restauratrice partenaire de l’étude, sur des objets témoins représentatifs des collections : objets ethnologiques en fer étamé, documents d’arts graphiques, petits mobiliers d’art décoratif en ivoire, spécimens d’histoire naturelle.

Le travail mené au musée historique de Villèle (Saint‑Gilles‑Les‑Hauts) montre que :

  • l’atmosphère de la maison de maître est homogène avec des écarts faibles de 0,6 °C et 1,4 % HR entre les pièces. Les gradients verticaux sont également très faibles ;
  • l’humidité intérieure de la maison est plus faible qu’à l’extérieur (de 80 % HR à l’extérieur à environ 71 % HR à l’intérieur, ce qui demandera un examen plus approfondi), mais la température intérieure est plus élevée (22 °C à l’extérieur vs 24,7 °C à l’intérieur) ;
  • la demeure amortit aussi considérablement l’amplitude moyenne des variations journalières (6,5 °C et 19,4 % HR à l’extérieur vs 1,07 °C et 7,4 % HR à l’intérieur), tout comme les bâtiments déjà mesurés en Guyane.

Plan et visuels des pièces du musée historique de Villèle
Plan et visuels des pièces du musée historique de Villèle

Les observations visuelles et macrophotographiques confirment que, même si elles ne bénéficient pas des consignes climatiques convenues en Europe, et mis à part quelques départs de corrosion sur des ferreux, les collections réunionnaises semblent être en bon état de conservation et stables, plaidant pour une « acclimatation à leur milieu », acclimatation dont il conviendrait de décrire plus amplement les processus physiques. Si les conditions thermo‑hygrométriques à l’intérieur du bâtiment sont élevées, elles se révèlent stables, amorties par cet édifice non climatisé. L’absence d’infection fongique questionne également les certitudes selon lesquelles un développement fongique se manifeste lors de fortes valeurs de température et d’hygrométrie (>25 °C et 65‑70 % HR communément admis). L’atmosphère de la maison pourrait sans doute être encore améliorée si la gestion du bâtiment était encore plus attentive au projet architectural historique et au mode d’habiter traditionnel, en particulier en ce qui concerne la fermeture des volets et l’ouverture des fenêtres selon la course du soleil, ce qui exigerait cependant de réviser les mesures de sûreté actuelles.

Cette étude, qui se poursuivra jusqu’en 2018 afin de contrôler l’évolution des altérations constatées visuellement, a donné lieu à une formation à la conservation préventive destinée aux professionnels réunionnais. Ce séminaire préfigurait aussi la production de fiches pédagogiques relatives à la conservation préventive en milieu tropical.

L’étude de la demeure historique et des cuisines du musée de Villèle a fait l’objet d’une première diffusion aux journées organisées au château de Versailles en décembre 2017 : « La conservation préventive dans les demeures historiques et les châteaux‑musées : méthodologies d’évaluation et applications ».

Information : réduction des activités sur le site de Versailles
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