Trois têtes analysées pour l’exposition du Louvre
A l’occasion de l’exposition Paris-Athènes de 2021 lien ici, le musée du Louvre a sollicité le C2RMF pour entreprendre de nouvelles recherches sur la polychromie de trois têtes en marbre : le Cavalier Rampin, un fragment de tête de Corè et la tête Fauvel.
Cette étude a permis de mettre en évidence des données inédites, comme les vestiges ténus de carnations peintes pour la tête du Cavalier Rampin et la tête de koré, ainsi que la présence de bleu égyptien et de vermillon sur la stéphané de cette dernière.
Ces trois têtes ont été examinées grâce à différentes techniques d’observation et d’analyse : un dossier d’imagerie scientifique complet (photographie en lumière naturelle, sous ultraviolets, sous infrarouges et en luminescence infrarouge), des observations in-situ au microscope, la caractérisation de la polychromie par des techniques non invasives et par l’exploitation de microprélèvement.
La tête du Cavalier Rampin
Les cheveux, la barbe et la moustache du Cavalier Rampin conservent des traces de polychromie rouge (fig1) mise en évidence par les observations in situ en microscopie numérique. L’analyse par fluorescence X indique qu’il s’agit d’un composé à base de fer, sous la forme d’oxydes ou d’ocres.
La couche picturale au niveau de l’œil droit est très perturbée (fig 2). On y observe des restes de rouge au niveau de l’iris, qui ne sont pas présents dans la pupille, laquelle est délimitée par une fine incision. Une couche noire est également observée par endroits ; l’analyse élémentaire laisse penser qu’il s’agirait d’un noir de carbone.
L’observation au microscope numérique a révélé la présence de carnations représentées par une couche picturale, conservée sous forme résiduelle, notamment dans l’oreille droite (fig 3). L’analyse d’un microprélèvement au microscope électronique à balayage a mis en évidence la présence d’oxydes de fer et/ou d’ocres. La teinte des carnations n’a pas pu être définie précisément, mais on peut estimer qu’elle pouvait être d’un beige jaune assez chaud.
Le fragment de tête de Coré
La tête de Coré n’avait jusqu’ici jamais fait l’objet d’étude scientifique auparavant (fig 4). Les restes de polychromie de couleur rouge présents sur sa chevelure ont été caractérisés et renferme des oxydes de fer et/ou une ocre. Une couche picturale beige située à l’intersection du front et des cheveux, correspondant aux carnations, a également été mise en évidence à l’aide d’observations en microscopie numérique.
L’apport le plus intéressant pour ce fragment de tête concernent la stéphané (le large bandeau qui ceint la chevelure). Grâce à la combinaison de l’imagerie en luminescence infrarouge,de la lumière ultraviolette et de la cartographie de fluorescence X, il a été possible de mieux comprendre les décors originaux. On observe ainsideux bandes renfermant du bleu égyptien et deux liseré jaunes (figure 5a et 5b), encadrant, au centre, une zone contenant du mercure qui atteste l’utilisation de vermillon. Sa répartition pourrait correspondre à des motifs qu’il n’est malheureusement pas possible de définir clairement.
Les cartographies du cuivre et du fer ont permis de conforter respectivement l’hypothèse de l’utilisation de bleu égyptien de la stéphané et d’oxydes de fer et/ou d’ocre dans les cheveux, ainsi que de visualiser les deux liserés jaunes exécutés avec ces mêmes matériaux.
Ces données ont permis de proposer une restitution colorée de la stéphané (fig 6). Cela reste néanmoins un exemple de restitution, puisque la forme des motifs rouges au niveau de la bande centrale reste inconnue. De plus, la couleur exacte des bandes bleues reste difficile à déterminer avec précision.
La tête Fauvel
Seuls quelques restes de rouge sont observés sur la tête Fauvel (fig 7). Les analyses préliminaires par fluorescence X indiquaient la présence de plomb et de fer.
L’étude d’un microprélèvement préparé en coupe stratigraphique (fig 8) a permis de mettre en évidence qu’il ne s’agissait pas d’un pigment à base de plomb (tel que du blanc de plomb ou du minium), mais d’un composé nativement associé au gisement d’hématite. On observe également l’addition de noir de carbone dans la couche picturale, illustrant ainsi la complexité que peuvent prendre quelques restes de « rouge à base de fer ».
Chercheurs du C2RMF : Eric Laval, Anne Maigret, Yannick Vandenberghe.
Conservateur au musée du Louvre : Ludovic Laugier
Examens en lumière visible