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La Couronne de lumière de la cathédrale d'Hildesheim (Hezilo Leuchter)

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La couronne de lumière de Hezilo © RMN

Parmi les chefs-d'œuvre de la cathédrale d'Hildesheim (Basse Saxe) figure le Lustre d'Hezilo (Hezilo-Leuchter, cat. n° C2), qui, avec 6 mètres de diamètre, est la plus grande parmi les 4 couronnes de lumière de l'époque ottonienne encore exposées aujourd'hui en Allemagne et en France. La couronne d'Hezilo est actuellement suspendue dans le chœur de la cathédrale de Hildesheim. Elle fut créée entre 1055 et 1065 sous l'épiscopat de l'évêque Hezilo (1054-1071) et comporte 12 tours et 12 portes reliées par des fragments de muraille ; l'ensemble figure la Jérusalem Céleste, c'est-à-dire une représentation matérielle du paradis. Le lustre est constitué par un assemblage de plaques métalliques mises en forme et dorées. L'histoire des modifications successives de cette œuvre, de ses démontages, mises en quarantaine (sous la Réforme), remontages, rénovations, restaurations, au fil des siècles, est riche et complexe.

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Analyse à l'accélérateur AGLAE.© C2RMF/ J. Salomon

 

Nous n'en retiendrons que quelques évènements parmi les plus récents :

  • en 1901, le lustre a été totalement démonté et profondément restauré. Les pièces endommagées ont été remplacées par des pièces nouvelles, dorées par le procédé moderne de dorure électrolytique
  • en 1942, il est à nouveau démonté et stocké dans une cave pour le protéger des dommages de la guerre
  • en 1948, il est ré-assemblé après nettoyage et application de cire de protection. Quelques pièces de structure servant au montage ont été remplacées en 1964.

 

Présentées en 2000-2001 dans le cadre de l'exposition " Visions du futur " aux Galeries Nationales du Grand Palais, cinq pièces du lustre (deux tours, une porte et deux fragments de muraille) ont été confiées au laboratoire par le Conservateur du musée de la cathédrale d'Hildesheim, M. Michael Brandt, pour une étude avant restauration. Le programme d'examens a compris :

  • des radiographies qui donnent des indications sur le montage des pièces, authentiques ou restaurées en 1901 ;
  • l'analyse par PIXE à AGLAE de la composition des alliages constitutifs ;
  • l'analyse de la composition et l'estimation, par rétrodiffusion Rutherford (RBS) à AGLAE, de l'épaisseur des couches de dorure (dorure à l'amalgame de mercure pour les parties authentiques, dorure électrolytique pour les parties restaurées) ;
  • l'analyse par diffraction X et PIXE, et la localisation par radiographie, des zones de corrosion présentes en certains points ;
  • l'analyse des interfaces or/substrat par RBS à AGLAE.
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Radiographies d'une tour © C2RMF/ T. Borel

Les radiographies :

Chaque pièce est constituée de tôles embouties et assemblées. Le montage moderne (1901) est effectué avec des agrafes facilement démontables, alors que le montage initial était sans doute assuré par des rivets, ou quelquefois par soudure de languettes (sommets des tours). Les pièces remplacées sont facilement reconnaissables par l'épaisseur très uniforme du métal. Les parties endommagées sont doublées par du métal riveté ou soudé.L'analyse des métaux (ancien et moderne) par PIXE a été effectuée sur des petites régions mises à nu par grattage local de la peinture qui recouvre les zones cachées non dorées : il s'agit dans les deux cas de cuivre non allié, mais le métal authentique contient nettement plus d'impuretés (en particulier 0,1 à 0,5 % d'arsenic et de plomb) que le métal de restauration.La rétrodiffusion Rutherford (RBS) permet d'accéder au profil en composition des éléments à partir de la surface. Grâce à elle il a été montré que les dorures authentique et restaurée ont la même composition, sans doute volontairement pour assurer l'uniformité des couleurs. L'or employé titre moins de 21 carats. L'épaisseur des dorures est de 2 à 5 microns pour la dorure au mercure, 0,2 à 0,5 microns pour la dorure électrolytique. Ce sont de fortes épaisseurs, témoins d'un soin particulier dans les traitements.Les altérations, principalement constituées d'oxyde cuivreux (cuprite), sont peu étendues ; des amas de chlorures actifs sont présents mais peu nombreux ; ils demandent évidemment une surveillance particulière de la part des restaurateurs. Dans certaines zones limitées, une corrosion sous la couche d'or existe et s'étend sur 5 à 10 microns en profondeur.

En résumé :

  • le montage est simple et facile à reproduire, parfaitement détaillé sur les radiographies ;
  • les matériaux de base authentique et de restauration sont facilement identifiables ;
  • la dorure initiale à l'amalgame de mercure est de grande qualité, son substitut électrolytique sur les parties restaurées a volontairement été choisi de composition, donc de couleur, identique ;
  • les altérations sont raisonnables pour une œuvre exposée en lieu ouvert, elles ont commencé depuis très longtemps. Cependant la présence, très ponctuelle, de corrosion active (chlorures) mérite une surveillance particulière ;
  • la restauration des zones dorées devra tenir compte de la présence de produits de corrosion sous la couche d'or, en veillant tout particulièrement à ne pas les dissoudre afin de ne pas désolidariser la dorure du substrat. Ainsi, la conjonction de méthodes d'analyse et de caractérisation diverses et complémentaires, toutes non destructives, apporte des informations irremplaçables pour la mise en œuvre de la stratégie de restauration de ce chef-d'œuvre de l'art ottonien de très grande valeur.
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Publié le 10/04/2015